Texte d'Albert Larouche

lu à la présentation de Jean-Paul Desbiens,

alias Frère Untel

au Gala de l'Ordre du Bleuet, le 16 juin 2012


Comment ne pas être fier en invoquant le nom de Jean-Paul Desbiens, ardent défenseur de la langue française, qu’André Laurendeau, directeur du journal le Devoir, avait baptisé du nom de frère Untel afin de préserver son anonymat?


Né le 7 mars 1927 à Métabetchouan au Lac-Saint-Jean dans une famille de bûcherons plus que modeste, Jean-Paul Desbiens, élève modèle de l’école au Juvénat, endosse la soutane des frères Maristes le 15 août 1945. Il entreprend avec enthousiasme sa carrière d’enseignant dans une école de Québec, sous le nom de Frère Pierre-Jérôme. La maladie freine son élan. De 19 à 25 ans, Jean-Paul séjourne au sanatorium pour vaincre une tuberculose. Il met à profit ce temps d’arrêt imposé pour lire de grands auteurs : Bloy, Alain, St-Exupéry, Pascal, Thibon, Claudel, saint Thomas d’Aquin, Maritain, Bernanos, Sertillanges, Montherlant, Chesterton qui contribuent à former le futur professeur de philosophie, diplômé de l’Université Laval en 1958.


Dès lors, il enseigne le français aux élèves de classe supérieure à Chicoutimi et, en 1960, se retrouve à d’Alma pour y instaurer les cours de Belles-Lettres à Philo II, permettant désormais à cet externat d’offrir le cours classique complet. Pendant ce même temps, l’enseignant constate l’ampleur d’un désastre : la faiblesse du français écrit et parlé de ses élèves. « Pourquoi en sommes-nous rendus là? Quels remèdes, quelles solutions pourraient nous sortir de cette situation désastreuse? », questionne-t-il dans une lettre ouverte adressée au journal Le Devoir, relate Laurent Potvin dans son essai « Le frère Untel parmi nous. Prophète ou visionnaire? » publié en 2007.


À la suite des remous causés par ce livre, le provincial des frères maristes lui défend d’écrire ou de parler publiquement à la télévision ou à la radio. Interdiction levée par le cardinal Paul-Émile Léger qui lui permettra de dévoiler son identité. Il est tout de même expédié à Rome; trois années de réclusion en Europe où il prépare un doctorat sur l’épistémologue suisse Jean Piaget à l’Université de Fribourg. À son retour au Québec, il dirige l’implantation des programmes de niveau collégial puis, pendant deux ans, occupe le poste d’éditorialiste en chef au journal la Presse.


Il dirige le collège Notre-Dame-de-Foy à Cap Rouge de 1972 à 1978, année où les frères maristes l’élisent provincial de leur communauté. De 1988 à 2006, le frère Jean-Paul Desbiens cumule les honneurs : Doctorat honoris causa de l’Université du Québec à Chicoutimi, Doctorat honoris causa en éducation de l’Université de Sherbrooke, Doctora honoris causa en philosophie de l’Université du Québec à Montréal, Chevalier de l’Ordre national du Québec, Officier de l’Ordre du Canada, Ordre du Mérite de la Société Saint-Jean-Baptiste du Québec.


De 1950 à 2001, il publie une quinzaine d’écrits sur différents sujets. Mais son livre, Les Insolences du frère Untel, publié aux Éditions de l’Homme le 6 septembre 1960, demeure son livre à succès avec plus de 65 000 exemplaires vendus en trois mois.


Ce livre dénonce la sclérose des institutions, le vécu des frères enseignants et la pauvreté du français parlé par les étudiants, mettant au pilori tous les curés, les professeurs, les politiciens qui ne parlent pas le français correctement. Pamphlétaire, il avoue ne pas écrire avec une plume mais avec une hache lorsqu’il critique l’autorité, la religion, les lacunes dans l’éducation, la morale et surtout le parler « joual ». La publication des Insolences marque un tournant important dans l’évolution des idées au Québec, précédant le mouvement de la réforme appelée plus tard la Révolution tranquille.


Tous ses écrits lui ont valu de la notoriété, un peu de gloire et peut-être aussi le mépris de quelques bien-pensants. Mais le frère Untel, on peut l’affirmer, a ouvert une porte à la discussion pour la défense de la langue française, une discussion plus que jamais d’actualité aujourd’hui.


Jean-Paul Desbiens est décédé le 23 juillet 2006. Trois ans plus tard, ses amis ont planté un chêne rouge à sa mémoire gravant sur une plaque un extrait des Insolences : « Les hommes ont besoin des hommes rochers. Ils ont besoin de savoir qu’il subsiste, malgré l’écoulement de toutes choses, des îlots de fidélité et d’affirmation d’absolu. »


Le 16 juin 2012


FRÈRE JEAN-PAUL DESBIENS

alias Frère Untel


Précurseur et promoteur

de l'identité culturelle québécoise


fut reçu membre de L’Ordre du Bleuet

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mercredi 19 décembre 2012

Jean-Paul Desbiens sur vidéo au Gala 2012

Quelques minutes pour se souvenir d'un grand moment

Gala 2012 de l'Ordre du Bleuet
Jean-Paul Desbiens